vendredi 25 juin 2010

Salade de fluides



C’est aujourd’hui que ça a commencé. Avec une pomme. Ronde mais un peu chétive. À ses côtés, je fais pâle figure, tout tremblotant de perdition et de tendresse. Que pourrais-je ressentir d’autre, de toute façon ? Je n’en suis pas à ma première pomme, mais celle-ci semble particulièrement savoureuse.
Cependant goûter cette pomme serait un sacrilège. Planter mes dents dans sa chair tendre, briser sa peau légèrement résistante, sentir le jus qui s’en écoule pour doucement l’avaler… je dois tout d’abord vous faire remarquer que je suis un grand consommateur de fruits. Qu’ils soient d’apparence petits ou grands, je m’en moque, j’aime toutes leurs caractéristiques. Les nombreuses différences qui les regroupent sous des noms variés donnent aux fruits un attrait particulier à mes yeux. J’apprécie autant la douceur d’une pêche que le goût puissant d’un litchi. L’avocat réussi de même à susciter quelque intérêt en mon for intérieur, pourtant ce n’était pas gagné d’avance. L’ananas, quant à lui, me fascine. Son aspect complexe le classe au dessus des autres fruits. Les écailles qui le protègent offrent une palette de couleurs assez variée. Ensuite, lorsqu’on désire découvrir ce qui se cache derrière cette robe splendide, c’est une carapace piquante que rencontrent nos mains. Il faut alors agir avec adresse pour ôter ces écailles gênantes. Une fois ce travail réalisé, il ne nous reste plus qu’à consommer sa chair juteuse et pleine de saveur. Il faut néanmoins prendre garde à ne pas s’en mettre partout lorsque l’on se précipite. Le jus de l’ananas a tendance à coller sur les vêtements. Mais cette dernière caractéristique est commune à tous les fruits, excepté la banane qui n’excite pas particulièrement mes émois. Une mangue est beaucoup plus apte à remplir cet office. Que de fois je ne m’y suis frotté. Je me souviens avec délectation combien je plongeais dans des délices divins lorsque je m’abandonnais à la consommer. Tous ses charmes se dévoilent une fois dénudée. Cette opération ne nécessite pas énormément d’adresse, juste un peu d’attention. Il est inutile de se presser comme on pourrait faire avec une noix de coco ou un quelconque agrume. La mangue aime se faire dévêtir avec amour. Heureusement, pas tous les fruits ne demandent à être dévêtus de la sorte. Le citron, par exemple, préfère être battu avant d’être consommé. L’idéal est de le rouler pour ensuite le couper. On peut alors apprécier son liquide particulièrement acide.
A côté de cette myriade de goûts exotiques, rêveurs, attachant, exaltants ; à côté des océans de couleurs que nous offrent les innombrables variétés de fruits existants, pourquoi s’attacher à une pomme ? La pomme est le fruit le plus banal qui existe. Son apparence est anodine, son goût sympathiquement sucré sans pour autant révéler des univers fabuleux à mon palais. Cette langue qui y règne a ondulé autour de nombreux fruits, chatouiller des saveurs immensément plus variés et plus excitante, pourquoi craint elle maintenant de s’attaquer à une simple pomme. Comment ce fruit si simple et frugal a réussi à imposer sa neutralité comme l’image du péché ? C’est doublement mensonger. Déjà le mot péché devrait être attribué au fruit dont l’arbre est homonyme. Et oui, tiens, la pêche devrait être le fruit qui illustre l’acte brisant l’interdit suprême. Sa peau est devenue l’image de la douceur et fait ressurgir des souvenirs de luxure. Son goût juteux et tendre fait passer la pomme pour une vulgaire petite prétendante au trône de la décadence. Je pense qu’Adam aurait préféré s’enfoncer le serpent dans le cul plutôt que d’aller coucher avec une prude qui lui offre une pomme. Au moins, il aurait pu découvrir les joies de la sodomie zoophile. Mais cela reste extrêmement cochon. Alors, la première scène de luxure aurait du arriver de la sorte. Un cochon est venu apporter une pêche aux deux innocents qui ont décidé qu’il ne faisait pas froid, et que c’était sympa de se balader à poil. Déjà à poil dans la forêt, c’est un peu limite mais on s’en contrefout. Ensuite Adam trouve que la pêche a une peau particulièrement douce et finit par la comparer avec diverses zones du corps d’Eve. Voilà comment aurait pu débuter leurs premiers ébats. Après, ils décident de bouffer le cochon parce que tout ces nouveaux mouvements donnent faim. C’est ainsi que Dieu s’est trompé dès le début. Peut être n’a-t-il jamais goûté au péché originel.
Toujours est-il que je tremblote à côté de cette pomme.

2 commentaires:

Sadhiq a dit…

Wé, un nouveau blog à lire... :D

Gringoteq a dit…

Sympa, thanks!